Pierre Berville : notre époque est marquée
par le politiquement correct...

Article de Julien Morin parue sur strategies.fr le 27/09/2018

L’actu vue par Pierre Berville, publicitaire, fondateur de l'agence
Callegari Berville et auteur de la publication à paraître “J’enlève le haut :
les dessous de la pub à l’âge d’or.”

L’anniversaire des 50 ans (1er octobre 1968) de la publicité à la télévision.

L’arrivée de la publicité à la télévision a marqué la rencontre entre deux univers de divertissement. Un an plus tôt, une nouvelle apparition bouleverse déjà le paysage audiovisuel : la naissance de la télévision couleur. La publicité arrive toute flamboyante dans un espace de modernité. Cette innovation a été très bénéfique pour la publicité, les campagnes en témoignent : elles sont colorées, joyeuses, on fait appel à la musique, aux chansons de publicité. On est du côté de l’émerveillement, du divertissement, ce que la publicité n’aurait jamais dû cesser d’être. À cette époque-là, c’est encore un métier qui privilégie les rapports humains, avec une dimension presque artisanale qui se ressent. Aujourd’hui, le monde de la publicité s’est professionnalisé, avec les avantages et les défauts que cela comporte. Si elle a toujours ce rôle de provoquer la sympathie et l’achat, elle est moins décontractée. La sécurité est devenue un alibi pour tout interdire. Les talents sont toujours présents mais l’époque actuelle amène à être plus politiquement correct, moins provocateur. Maintenant, la priorité est d’éviter tout bad buzz.

La publicité adressée, actuellement interdite à la télévision. Depuis des mois, les principaux groupes de télévision demandent une modification de la réglementation.

C’est une tendance qui vient du web où la pratique est autorisée. On peut faire un parallèle avec le moment où la “coupure pub” est apparue au milieu des films à la télé. Cela avait été vécu comme un petit traumatisme. Toute nouveauté est un risque. Je n’ai pourtant pas d’a priori négatif sur le sujet. Tout est question d’équilibre et de talent. Comme souvent, ce n’est pas la pratique qui est dangereuse mais la manière. Bien utilisé, l’avantage de pouvoir adresser des campagnes de publicité ciblées peut créer de la complicité et renforcer l’efficacité. À contrario, traitée maladroitement, cette personnalisation pourra être vécue comme intrusive.

Facebook qui annonce mettre sur pied une “salle de crise”, destinée à déjouer les tentatives de manipulation des élections aux États-Unis et au Brésil.

De manière générale, c’est la question de ces grosses entreprises comme les GAFA qui ont pris une telle dimension au niveau du pouvoir. Ils sont devenus des États dans un État. Alors on ne peut qu’encourager toute tentative de démocratie, de transparence. Mais il y a un mais… Comme beaucoup, je suis un peu sceptique sur leur réelle volonté de faire évoluer les choses, de ne pas être seulement dans une campagne de communication. Il faudra rester attentif.

Deuxième édition de la rentrée en musique dans les écoles, collèges et lycées.

À l’ère du digital, il n’y a jamais eu autant de moyens d’écouter la musique. Il n’y a pas de raison pour que les jeunes n’aient pas envie de la pratiquer. Le désir est là. Inviter à découvrir les instruments, que chacun trouve le sien et apprenne à s’en servir, c’est un bon objectif. Mais l’école, ce n’est pas suffisant si l’on veut démocratiser l’accès à la musique. Certaines mesures concrètes pourraient permettre d’y arriver. Il faudrait déjà commencer par ouvrir plus de lieux d’accueil, de salles de répétition accessibles à un plus grand nombre. Pourquoi ne pas laisser ouvertes les écoles plus longtemps, et pendant les week-ends à cet effet ? Ensuite, il existe un volet économique : écouter de la musique est soumis à de nombreuses taxes. En France, les droits d’auteur sont bien défendus. L’effet pervers est que vous ne pouvez pas diffuser gratuitement de la musique dans un café, un bar… ni les ouvrir facilement à la musique vivante comme cela se pratique dans tant d’autres pays. C’est dommage.

La short-list du Prix Renaudot qui accueille un livre auto-édité sur Amazon.

Bravo à l’audace de ces jurés qui vivent avec leur temps. Les pauvres libraires en font tout un foin. Les systèmes archaïques de production et de distribution des livres sont en train d’évoluer à vitesse grand V. C’est exactement le même phénomène que les films produits par Netflix que l’on a tenté d’interdire à Cannes, avant qu’ils soient projetés dans les autres festivals. On notera le silence assourdissant des éditeurs dans cette affaire. Ils savent déjà vers où le vent va tourner. Sauront-ils s’adapter à la nouvelle donne ? Amazon a-t-il encore vraiment besoin d’eux pour très longtemps ? L’avenir le dira vite.

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Vous êtes publicitaire et vous avez écrit un livre sur la pub. Vous y racontez à la première personne l’âge d’or d’un métier qu’on dit sans mémoire car vous savez que le passé, surtout quand il est aussi joyeux et coloré que celui des années 70 et 80, peut éclairer le présent.

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